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A R C H I V E S

une vie, un travail, une passion...

Propos du compositeur

A propos… De la musique de scène

Georges Delerue - Une vie, Frédéric Gimello Mesplomb, Editions Jean Curutchet, 1998

J’ai longtemps eu la réputation de, comme musicien de scène, d’être un spécialiste des pièces à costumes et de la période élisabéthaine. Il y a dans le théâtre de Shakespeare une vie intense qui donne mille directions au musicien. Quand il s’agit de Shakespeare, la musique de scène se rapproche de la musique de film. Mais Shakespeare offre toutes les bonnes choses du cinéma sans en avoir les défauts…

De la Nouvelle Vague

Entretien avec Jean-Pierre Bleys, Positif n° 389-390, juillet-août 1993

C’était quand même assez fermé, à cette époque. La musique de film coûte cher et les producteurs ne veulent pas prendre de risques. J’ai bénéficié de l’arrivée de la Nouvelle Vague, qui a remis les pendules à l’heure. Il y a eu un renouvellement complet de la situation. Les gens de la Nouvelle Vague ne voulaient pas travailler avec des gens plus âgés. A tort ou à raison, ils ont voulu faire table rase, et c’est ce qui m’a permis de travailler pour des longs-métrages. Ce qui me plaisait chez les réalisateurs de la Nouvelle Vague, c’était l’amour qu’ils portaient à la musique, et cela, c’était nouveau…

Des Trois petites notes de musique

Entretien avec Jean-Pierre Bleys, Positif n° 389-390, juillet-août 1993

Il y a eu le premier long-métrage d’Henri Colpi, Une Aussi Longue Absence, avec la chanson Trois Petites Notes de Musique, dont les paroles sont de lui et nous a immortalisés l’un et l’autre si je puis dire ! (…) Elle a été un véritable « tube » en Allemagne et au Japon ; en France un succès plus ordinaire. C’est Cora Vaucaire qui la chante dans le film de Colpi. Puis Yves Montand l’a enregistrée, en partie poussé par Simone Signoret qui avait refusé le rôle principal d’Une Aussi Longue Absence et voulait ainsi offrir une compensation à Colpi. La version Montant reparaît dans l’Eté meurtrier (1982), sous la forme d’un disque que l’on écoute lors du mariage de l’héroïne, Isabelle Adjani. Pour ce film, il y a un détail amusant : Jean Becker m’avait demandé d’écrire la musique et il avait prévu d’inclure cette chanson, sans savoir que je l’avais composée !

De la musique pour la télévision

Entretien avec Laurent Boer, 22 février 1980

Il n’y a pas beaucoup de différences. Mais le problème n’est pas le même. Au cinéma, on fait un produit qui peut déboucher par exemple sur l’exploitation d’un disque. A la télévision, on fait une dramatique, une émission, on essaie de la faire le mieux possible, mais on peut se livrer à des recherches beaucoup plus grandes qu’au cinéma. De toutes façons, le produit sera présenté et ne dépend pas des contraintes des distributeurs du cinéma commercial. Par exemple, quelque chose de dramatique, d’intense, vous pouvez, à la télévision, l’écrire pour un quatuor à cordes. Cela passe très bien. Quant à écrire la même chose pour le cinéma, je me poserais la question. J’ai l’impression que dans une salle de cinéma, les spectateurs n’ont pas le spectacle intime du petit écran, et que le quatuor à cordes ne passerait pas.

De l’orchestration

Notes de la S.A.C.E.M., janvier 1992

L’une des grandes joies de la musique de film, c’est qu’on peut l’écouter presque tout de suite. J’ai écrit des ?uvres symphoniques qui sont dans le « placard » depuis 10 ans : il n’y a rien de plus frustrant pour un compositeur que de ne jamais entendre sa musique jouée ! Quand vous écrivez de la musique de film, vous avez à peine le temps de laisser sécher l’encre que vous êtes déjà en train de la diriger, d’où des progrès considérables sur le plan de l’orchestration, parce qu’on s’écoute, on se corrige.

De la musique

La Voix du Nord, 25 mars 1975

Je peux difficilement dissocier la musique de ma vie. Ce serait un suicide assuré. La musique englobe tout : la possibilité de s’évader, de rechercher la générosité des autres et la nôtre propre. A l’étranger, même sans parler la langue du pays, les musiciens se comprennent. C’est un moyen de communication extraordinaire.

De son œuvre

Entretien avec Yann Merluzeau, Soundtrack n°42, juin 1992

Je n’écoute pas beaucoup ma musique. Je n’aime pas tellement entendre ce que j’ai fait avant. Quand je l’écoute c’est pour régler un problème pour un disque qui va paraître, par exemple. Quand j’entends certaines musiques de mes débuts, je trouve une constante. Il y a un langage qui m’appartient; j’ai une façon d’écrire la musique qui est ma patte sonore. C’est une des raisons pour laquelle je continue à orchestrer. Cela fait partie de ma couleur, de ma personnalité que je tiens à conserver. Mais il y a effectivement une évolution dans mon écriture, certainement très inconsciente. Cela me paraît normal. On change, on a une façon de voir différente. Ma façon d’écrire n’a pas tellement changé sur le plan cinématographique mais elle a inconstablement changé dans ma musique symphonique. J’ai l’impression d’être plus clair, d’avoir évolué vers la simplicité et la profondeur.

De sa nature

Musiques de Films : Georges Delerue, documentaire de Jean-Louis Comolli, 1994

Je suis beaucoup plus gai qu’angoissé. Mais il y a certainement en moi quelque chose qui est angoissé et que je connais mal puisqu’on me dit souvent que j’écris une musique très nostalgique. « Ah ! la nostalgie de Delerue, c’est bien connu ! » Moi, je veux bien, mais ce n’est pas ma vraie nature. Ou bien c’est quelque chose de moi que je ne connais pas et que les autres peuvent connaître.

De La Foire des Ténèbres

Télérama n° 1834, 6 mars 1985

Le réalisateur m’avait fourni son minutage un vendredi à 16 heures. J’ai composé jusqu’au samedi 3 heures du matin, repris le travail de 7 heures jusqu’à 16 heures, ce qui était la dernière limite possible ! Le plus drôle est que La Foire des Ténébres est l’une des meilleures musiques que j’ai écrites !…

Entretien avec Yann Merluzeau, Soundtrack n°42, juin 1992

Jack Clayton était très content, tout le monde était heureux, j’ai reçu des lettres de chez Disney qui disaient que cela resterait dans leur mémoire. Un jour, je reviens à Los Angeles où je n’habitais pas encore constamment et mon monteur-musique me dit : « J’ai quelque chose d’important à te dire, on a jeté ta musique. » Ca a été pour moi une assez grande désillusion, pour Jack Clayton aussi qui est un ami et qui voulait vraiment garder ma musique. Je n’ai pas du tout compris ce qui s’est passé, j’avoue que cela reste pour moi un mystère.

De la chance

Cela m’agace un peu quand on me dit : « Vous avez eu beaucoup de chance ». Cela sous-entend que je n’y suis pour rien. Des chances se sont présentées à moi, c’est vrai mais si j’ai pu réaliser tout ce que voulais faire, c’est que j’ai su les saisir au moment où elles se montraient et que j’ai aussi beaucoup, beaucoup travaillé. Je ne regrette rien et je suis assez content quand je regarde derrière moi le chemin parcouru mais je suis resté le même homme. Avoir eu des débuts difficiles dans une famille modeste fait que je ne serai jamais blasé et que j’ai vraiment l’impression de vivre un conte de fées.

De Bruce Beresford

Entretien avec Yann Merluzeau, Soundtrack n°42, juin 1992

J’ai une complicité avec Bruce Beresford que je n’ai pas eu souvent. Ma collaboration avec François Truffaut a été très longue, avec Philippe de Broca également mais Truffaut était un homme très réservé et nous avions des rapports extrêmement courtois et réservés. Il m’aimait beaucoup, je l’aimais beaucoup mais on ne se voyait pas en dehors du travail. Quant à Philippe de Broca, je ne le voyais pas tellement non plus en dehors des films qu’il me demandait de faire. Avec Bruce Beresford, j’ai envie de le voir, il a envie de me voir et l’on s’amuse, on a les mêmes réactions, c’est très « copain-copain ». De plus, c’est quelqu’un que j’admire pour son humour, son intelligence, sa simplicité et sa délicatesse.

De son oeuvre personnel

Je suis toujours très heureux de diriger mes musiques de films aux quatre coins du monde, surtout avec des orchestres aussi différents que ceux qui existent aujourd’hui. Et c’est encore plus passionnant lorsque l’on me demande d’exécuter mes œuvres classiques. Composer de la musique est une chose mais diriger ses propres compositions est aussi un très grand bonheur.

J’ai commencé mes études classiques au Conservatoire de Roubaix et les ai poursuivies au Conservatoire National de Paris. C’est Darius Milhaud qui a su voir en moi un compositeur fait pour le théâtre et le spectacle en général. Ce qui m’a permis par la suite de faire une carrière internationale.

Je n’aime pas être classé dans une catégorie. La musique de film est une forme d’expression musicale comme une autre et qui se respecte. En France plus qu’ailleurs, on a tendance à mettre des étiquettes et la musique de film y est un peu sous estimée. Sans doute est-ce dû à l’aspect commercial du cinéma.

En Angleterre et aux Etats-Unis, un compositeur de musique de film est considéré comme un compositeur de musique tout simplement. Si je devais absolument me mettre une étiquette, ce qui peut être dangereux car mal interprété, je me classerais parmi les compositeurs classiques néo-romantiques. Très objectivement, lorsque je compose un thème pour un film, j’abandonne obligatoirement une petite partie de moi-même.

Aussi quand j’ai envie de retrouver toute ma liberté de création, je compose un quatuor ou un concerto ou une œuvre de musique de chambre.

J’ai toujours voulu avoir cette deuxième corde à mon arc, ce que j’ai appelé ma deuxième casquette. Il est évident que la construction musicale est très importante mais l’expression l’est tout autant.

J’aime beaucoup une phrase de Debussy : La musique est l’expression de l’inexprimable. On ne peut mieux dire.

Lorsque j’écris de la musique classique, j’ai toujours peur d’ennuyer l’auditoire. Si je m’aperçois que je suis sans passion, sans excitation en écrivant, je pense que les auditeurs s’ennuieront, alors je déchire et cherche une autre idée.

J’essaie toujours d’amener le plus de chaleur possible dans mon écriture et j’aime aussi que les choses soient dites très rapidement. Cela ne sert à rien de faire des développements interminables. Je voudrais que ma musique aille droit au cœur et qu’il ne soit pas obligatoire de lire la partition pour savoir ce que j’ai voulu dire.

La musique est faite pour être reçue et le plus rapidement possible.

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