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A R C H I V E S

une vie, un travail, une passion...

Casanova

En 1927 et 1928, René Clair avait réalisé deux adaptions de cinquante deux minutes chacune, inspirées des pièces de théâtre d’Eugène Labiche, Un chapeau de Paille d’Italie et Les Deux Timides.

En automne 1953, lors d’un festival consacré à René Clair, Georges Delerue avait improvisé au piano sur les deux films du grand cinéaste. Le futur musicien de film tendait ainsi la main à ses anonymes devanciers des salles obscures.

‘’J’avais improvisé sous l’écran durant deux soirées. Puis on voulut enregistrer ce que je jouais mais pour des raisons techniques, on ne réussit pas à restituer le synchronisme auquel je m’étais efforcé de parvenir. C’était vraiment une expérience intéressante mais difficile.’’

La contribution de Georges Delerue à ces deux films fut une très bonne préparation à la musique pour les longs métrages. Il y apprit le sens de la concision, de la précision et sa musique dépassa le rôle d’une simple illustration sonore.

Au cours des années 80 certains musiciens de cinéma attirèrent l’attention sur eux par de nouvelles partitions écrites pour plusieurs classiques restaurés du cinéma muet. Parmi les plus belles expériences du genre, il est important de citer le travail de Pierre Jansen et Antoine Duhamel en 1985 pour Intolérance, le monument de DW. Griffith et aussi le travail du musicien anglais Carl Davis pour la performance du Napoléon d’Abel Gance (1980), qui lui valut une reconnaissance mondiale.

En 1987, la Cinémathèque Française et U.C.L.A. entreprennent l’exhumation du film muet Casanova, tourné en partie à Venise en 1927 par Alexandre Volkoff.

Les droits du film avaient été cédés à la Cinémathèque en 1958 par le Russe Sacha Kameka de la société Albatros qui lui avait laissé une seule bobine colorisée au pochoir, la technique de l’époque. Insuffisant pour une restauration, il fallut partir à la recherche de négatifs et de chutes abîmés retrouvés à Prague et à Londres.

Ce travail de dentellière fut assumé par Renée Liechtig, monteuse et spécialiste de la restauration des films muets, accompagnée de toute une équipe de techniciens de la Cinémathèque Française. Par la même occasion, il fallut faire le tri d’un matériel confus qui laissa apparaître plusieurs versions tournées à l’époque pour faire face à divers problèmes de censure.

Quelque temps plus tard, Robert M. Maniquis, professeur d’Histoire de France et de littérature française à U.C.L.A. découvre le film provisoirement monté lors d’une projection à Paris. Très séduit, il désire le projeter à Berklee College of Music à Boston. Mais il manquait au film de deux heures quinze un ingrédient de taille : la musique.

Appuyé par son groupe de recherche universitaire, CINEMA 89, il décide de contacter Georges Delerue pour lui demander l’autorisation d’utiliser certaines de ses musiques dans l’élaboration de la bande sonore de Casanova. Sachant les soucis techniques et juridiques que cette conception allait entraîner, Georges Delerue, enthousiasmé par le film, proposa sur le champ de créer une nouvelle partition.

J’ai trouvé ce film merveilleux, tendre, ironique, pétillant et pour moi, il n’y avait pas d’alternative, il fallait écrire une musique d’un bout à l’autre.

On sait qu’au temps du cinéma muet, les salles de cinéma les plus renommées s’offraient de petits orchestres. A l’avènement du parlant, la musique fut intégrée à la bande sonore du film et ces petits ensembles disparurent.

Le travail de Georges Delerue pour Casanova fut de recréer le cinéma muet comme spectacle vivant dans lequel les images et la musique cohabitent dans un jeu de correspondance et de fusion

Pour Georges Delerue cette expérience complexe mais passionnante dépassa la simple tentative de recréation du cinéma d’antan. Le compositeur prit soin de faire refléter dans sa musique la sensibilité des spectateurs d’aujourd’hui tout en tenant compte des exigences de la restitution d’une époque lointaine. Dans cette perspective, la musique est un catalyseur d’émotions du public.

Nous savons depuis longtemps que la flexibilité, la diversité sonore font la force de Georges Delerue et lui permettent la plupart du temps une incursion dans l’exotisme et le domaine lyrique qui le caractérise avant tout. Cependant, malgré une inspiration rayonnante, le musicien se trouva confronté à un problème de temps. Il avait tout juste un mois pour écrire la partition. Il fut donc contraint de se faire aider pour l’orchestration par son assistant et ami, Richard Stone.

‘’Je me disais, un film muet de 1927, doit faire une heure quinze au maximum mais j’ai commencé à regretter d’avoir donné mon accord quand j’ai appris que le film durait deux heures quinze. De plus, quand j’ai vu le film pour la première fois, j’ai réalisé qu’il ne s’agirait pas d’écrire une masse sonore comme on le fait d’habitude dans ces cas-là, ce qu’avait fait Carmine Coppola pour Napoléon en 1981. Ça marche bien pour des films épiques ou dramatiques mais si on fait cela pour des films drôles et légers comme Casanova, on l’écrase, on tue tout. Il fallait donc coller à l’image, accentuer de façon très synchrone, un peu comme un pianiste le faisait à l’époque. Sauf qu’un pianiste peut facilement improviser mais avec un orchestre, il faut tout écrire.

La partition achevée, une difficulté technique allait surgir : la projection.

«A la première répétition avec l’orchestre de 15 musiciens, tout en dirigeant, je regardais un gros chronomètre et le film projeté sur l’écran devant moi. A la fin de la première partie qui dure 70 minutes, la musique avait un décalage de 25 secondes avec l’image. Avec la musique très précise que j’avais écrite, c’était une catastrophe !

Compte tenu de l’intense demande d’électricité dans la ville, le projecteur ne tournait pas à la bonne vitesse.

 

 

Comment résoudre le problème ?

Habitué aux techniques de synchronisme pour avoir travaillé et écrit de la musique pour des cartoons, Richard Stone suggéra à Georges Delerue de remettre le chronomètre à zéro à la fin de chaque séquence et de prévoir un fondu musical pour lui permettre de recaler l’orchestre sur l’image. Ce qui fut fait avec succès.

Georges Delerue dirigea son score en ‘’live’’ à plusieurs reprises, aux Etats-Unis, à Venise, en France, en Allemagne et les représentations furent toujours une course contre le synchronisme. Une des plus coriaces expériences qu’ ait connues le compositeur mais aussi, l’enthousiasme final du public aidant, une des plus jubilatoires.

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