Pas de doute là dessus, Music Box Records, notre label français, spécialiste de la musique de film s’inscrit maintenant, au même titre qu’Intrada ou Quartet Records comme un éditeur de disques de renommé international. Comme nous l’explique Laurent Lafarge et Cyril Durand-Roger, leur démarche est avant tout de rester ancré sur un riche patrimoine musical français mais aussi de toucher un plus large public en éditant des scores inédits ou disparus de musiciens à la renommée mondiale comme Lalo Schifrin, Alan Silvestri ou Ennio Morricone …
Cependant, avec un catalogue maintenant bien étoffé, Music Box Records se garde un grand champ de manœuvre concernant l’édition des scores rares et inédits de Georges Delerue. Une démarche qui sans conteste, séduit les inconditionnels français du musicien mais également un autre large public étranger demandeur et à l’affut de ce qui peut être édité de son œuvre.
A l’occasion de la sortie du superbe double CD de La Révolution Française, Il nous chatouillait l’esprit d’en savoir plus sur l’activité « Delerue» de Music Box Records et nous remercions sincèrement Laurent et Cyril d’avoir accepter de répondre à quelques questions pertinentes exclusivement pour notre Site Officiel. Nous sommes heureux de vous les faire partager.
Merci à Music Box Records – Pascal Dupont et Colette Delerue
Depuis la création de votre label, votre activité est intense et votre catalogue commence à être impressionnant et varié. Cependant vous accordez une large place aux musiques de Georges Delerue. Un certain nombre de musiques rares du musicien ont été éditées dernièrement par des maisons étrangères mais nous sommes heureux qu’un label français comme le vôtre se préoccupe avec autant de dynamisme des musiques de Georges. Vous avez démarré fort votre activité avec une belle édition CD de L’incorrigible, ce fut une première ! Est-il important pour un label comme le vôtre aujourd’hui de maintenir une activité intense autour du musicien en France ?
Georges Delerue a été le premier compositeur à avoir été édité sur notre label (L’incorrigible / Va voir Maman, Papa travaille, MBR-001). Bon nombre de ses musiques de films restent inédites ou disponibles uniquement en extraits sur diverses compilations. Quand nous avons créé le label, nous avions envie de nous intéresser à toutes ces musiques inédites et approfondir également tout un pan de sa filmographie ignorée. Je pense plus particulièrement à ses musiques de télévision. Notre objectif est de rendre disponible au public mélomane sa diversité musicale.
Cette question sera peut-être plus indiscrète mais est-ce que le projet La Révolution Française a couté plus cher que celui des Visiteurs ou du Conformiste ? En gros qu’est-ce qui peut faire varier les coûts de l’édition d’un titre ?
Le budget d’une réédition dépend de plusieurs paramètres : du matériel mis à notre disposition, du temps que nous passons dessus, du travail de remasterisation et de restauration, du nombre d’exemplaires pressés et des redevances demandées par le producteur de la musique. Avec maintenant plus de 50 albums produits, il nous est plus facile de monter un projet afin que son coût de production corresponde au mieux à la demande. Ceci dit, il y aura toujours de bonnes et de mauvaises surprises. La Révolution française est forcément un projet qui nous a coûté plus cher que Les Visiteurs, de part son format (c’est un double CD), le nombre d’exemplaires proposés et l’envergure de ce type de projet.
Lorsque vous choisissez d’éditer une nouvelle musique de Georges Delerue, votre choix est-il souvent personnel ou alors vous basez-vous sur des statistiques de demande ?
C’est un choix toujours personnel, une envie de faire découvrir ou même de revenir sur une musique déjà éditée soit en 33 tours soit en CD, en proposant généralement une version plus complète. Il est difficile de se baser sur la demande même si nous arrivons à cerner un peu mieux aujourd’hui les goûts des béophiles. Nous ne savons jamais si un titre marchera mieux qu’un autre titre. Par le passé, nous avons (souvent) été déçus par l’impact d’une musique auprès des collectionneurs qui souvent s’enferment dans un genre ou un style de musique. Nous regrettons par exemple que les musiques de Descente aux Enfers ou American Friends soient moins plébiscités que celles de La Révolution Française ou The House on Carroll Street. Nous sommes toujours contraints de prendre des risques dans un marché de niche aujourd’hui extrêmement saturé.
Pour être sûr de ne pas vous tromper sur d’un titre, comment s’oriente votre choix au départ ?
Il faudrait ne sortir que des musiques de films épiques à lire certains commentaires sur les forums. Certains béophiles sont « obnubilés » par ce style de musique. Parfois nous regrettons qu’ils ne s’ouvrent pas plus à la diversité de la musique de film qui n’est pas que symphonique. Elle regorge tellement de genres musicaux différents : électronique, jazz, orchestral, musique de chambre, expérimental… C’est un brassage permanent. Comme nous vous le disions précédemment, nous ne sommes jamais certains à 100% du succès des titres sur lesquels nous travaillons.
Je ne vous apprends rien mais comme moi, vous savez qu’il reste des titres rares et inédits à éditer en CD concernant l’œuvre de Georges au cinéma. Je pense à un complet et original d’Anne des Mille jours, un officiel complet de Malpertuis, Préparez vos mouchoirs, quelque chose de plus complet autour de la musique Le point de mire, remarquable partition de Delerue que l’on projète facilement en CD. Je pense également à un coffret complet des Borgias pour lequel Georges a écrit beaucoup de musique. Je suis souvent frustré quand j’écoute cette musique en CD ! Je sais, pour un éditeur de musique de film que l’effet de surprise est important, surtout qu’il y a de la concurrence française et étrangère mais comment s’orientent vos futurs choix « Delerue », je suis sûr que toutes les questions que je me pose concernant certains titres, vous vous les êtes déjà posées ?
Oui, nous recevons de temps en temps des demandes de passionnés qui nous soumettent leur fameuse liste de souhaits communément appelée « wish list » ! Il y a forcément des titres incontournables comme ceux que vous avez cités. Tout ne dépend pas non plus de nous. Plusieurs facteurs rentrent en jeu quand nous souhaitons rééditer une musique de Georges Delerue. Tout d’abord, nous en parlons à Colette Delerue avec qui nous collaborons sur chaque projet. Et nous pouvons vous dire que son dévouement est précieux ! Nous lui faisons part de nos envies, de certains titres que nous aimerions éditer. Elle est toujours ouverte à nos propositions et très à l’écoute. Ensuite, il faut aussi prendre en compte si le titre en question n’est pas déjà réservé par un autre label. Colette nous informe quand c’est le cas. Ensuite, nous contactons le producteur pour officialiser la demande. Quand nous avons leur accord, nous voyons avec Colette si elle a du matériel dans le cas où le producteur n’aurait plus les bandes. Bref, même avec la meilleure volonté du monde, nous pouvons avoir une belle idée de projet au départ mais avant qu’elle ne se concrétise par un album, il y a de nombreuses étapes et bon nombre d’obstacles à franchir.
Question bête certainement. Comment savez-vous qu’un autre éditeur ne travaille pas sur le même titre que vous ? Je pense au projet de la réalisation du cd de Something Wicked this way comes (La foire des ténèbres) chez Universal. Cette période correspond au même moment ou Intrada commençait à éditer des musiques de films inédites dont les droits étaient bloqués depuis longtemps par Disney (Touchstone Pictures). Ils avaient également dans l’idée de sortir un complet de Something Wicked this way comes de Georges. Mais le CD fraîchement conçu par Stéphane Lerouge pour Universal venait à peine de partir en fabrication.
En même temps, le CD de La foire des ténèbres chez Universal n’avait pas pour but d’être une intégrale, contrairement au souhait du label Intrada. Nous sommes la plupart du temps au courant par Colette mais pas systématiquement. C’est plus souvent le cas pour les titres français. Pour les titres américains, ce n’est pas non plus notre priorité car d’autres labels comme Quartet Records et Intrada le font admirablement bien ! Nous ne pouvons pas tout faire non plus. Nous préférons nous concentrer sur les titres français même si de temps en temps nous faisons de petites infidélités (Le Conformiste, American Friends par exemple).
Pour finir, Georges Delerue a écrit des musiques pour d’autres domaines scéniques (Théâtre, ballet, le son et lumière) et des œuvres classiques impressionnantes. Souhaitez-vous restez concentrer sur les musiques de films du musicien ou alors pensez-vous un jour éditer aussi d’autres facettes de son œuvre ?
Nous sommes ouverts à toute sorte de projets. Mais comme toujours, cela dépend du matériel existant et des problèmes juridiques pour retrouver les producteurs de ces musiques. C’est souvent un défi permanent de retrouver les propriétaires des bandes master pour ce genre de titres. Parfois c’est le cas avec certaines musiques de films français. Nous espérons pouvoir rééditer l’année prochaine la magnifique partition de Tours du Monde, Tours du Ciel depuis longtemps introuvable en CD. Nous avons pu retrouver le producteur de la musique et avons accès aux bandes. Mais à ce jour, nous n’avons pas encore résolu tous les problèmes juridiques. De plus, la musique étant assez courte (à peine 25 minutes), nous aimerions compléter l’album avec une de ses œuvres classiques, le Premier Quatuor à cordes qui avait été réenregistré par le Traffic Quintet à l’occasion du DVD Bandes Originales : Georges Delerue, documentaire réalisé par Pascale Cuenot pour Prelight Films. Nous aimons l’idée de proposer une musique contemporaine de Georges Delerue en complément d’une musique écrite pour l’image, dans ce cas précis pour un documentaire. Cela permettrait aux fans des B.O. de Georges de découvrir un autre pan de son immense talent.
Propos recueillis par Pascal Dupont
Comments ( 0 )