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A R C H I V E S

une vie, un travail, une passion...

Medis et Alyssio

Le 14 mars 1975, Georges Delerue supervisait la création mondiale de son nouvel opéra Médis et Alyssio à l’Opéra du Rhin. Si Georges Delerue était connu par le grand public pour ses musiques de films, il continuait néanmoins de s’adonner à l’écriture pour d’autres domaines musicales : oeuvres classiques, de théâtre, sons et lumières (notamment pour la cathédrale de Strasbourg).

Création d’un conte de fées…

« J’avais déjà écrit un opéra avec Boris Vian, le Chevalier de neige qui a été représenté à Nancy en 1957. Durant toute ma carrière, j’ai toujours écrit de la musique pure. D’ailleurs, je suis plus joué à l’étranger qu’en France sur ce plan. Pour moi, certaines disciplines vont avec certaines écritures. Je n’écrirais jamais un quatuor à cordes comme j’écrirais une symphonie ou une musique de film. Donc chaque chose doit être à sa place et ce n’est pas un effort intellectuel, c’est instinctif. »

La commande de l’Opéra du Rhin à Georges Delerue se fit donc tout naturellement. En juin 1973, le compositeur reçoit un appel d’Alain Lombard*, qu’il ne connaissait pas personnellement mais donc la renommée en tant que chef d’orchestre n’était plus à faire. « Monsieur Delerue, j’aime beaucoup votre musique, je vous commande un opéra pour l’année prochaine». Georges, positivement abasourdi et lui répondit : «c’est fantastique mais je n’ai pas de livret».

Mr Lombard lui rétorqua qu’il était tout à fait possible d’en trouver un ou de le réaliser. A cette époque, il était difficile pour un compositeur de pouvoir faire entendre son travail. Il trouva formidable de voir un directeur de théâtre se lancer dans une telle entreprise avec autant d’enthousiasme. Par ailleurs, il se retrouva avec un travail titanesque sur les bras car il venait d’accepter d’autres commandes pour la télévision et le cinéma. Le Jour du Dauphin (Mike Nichols) pour les Etats-Uni, La Gifle (Claude Pinoteau) ainsi que de L’important c’est d’aimer (Andreï Zulawski) pour la France qui venaient juste de débuter.

Ecriture, orchestration et séances d’enregistrement représentèrent au final 1 an ½ de travail. Ce que le musicien apprécia tout particulièrement c’est la liberté de création du thème qui lui fut laissée.

« J’adore l’opéra et j’ai une idée précise de ce que je veux y faire. Je ne voulais absolument pas faire un spectacle qui ne traite que du quotidien. Je souhaitais trouver un sujet fort, quelque chose qui me permette de m’exprimer musicalement en profondeur ».

C’est à Micheline Gautron, ancienne comédienne de chez Dullin, sa première épouse, que Georges confit le livret de l’Opéra. « Comme d’ habitude, nous avons passé en revue tout ce que nous ne voulions pas. Il fallait, pour transcender le sujet, s’aventurer dans l’inédit.

Un opéra donc, particulièrement engagé pour le musicien qui depuis longtemps rêvait de sortir à nouveau de son registre habituel. Il en avait en effet déjà eu l’occasion lors de sa collaboration avec Boris VIAN en 1957. Il était donc indispensable de s’éloigner d’une approche classique afin de transcender un sujet, d’amener de la grandeur, du merveilleux, de s’aventurer dans la démesure car l’opéra le permet.

Elargir le spectre créatif.

«J’en avais par dessus la tête du héros, celui qui a son chemin tout tracé. Mais il n’en accomplit pas moins des actions spectaculaires car nous avons cherché le spectacle au maximum et une action riche. Actuellement, avec l’influence de la télévision et du cinéma, je pense qu’il fallait une distanciation plus grande à l’opéra.» Georges Delerue à la musique et Micheline Gautron au livret ne se sont pas contentés d’exécuter une commande et de confier le travail à d’autres.

Arguments du livret de Médys et Alyssio :

Surgi d’entre les pierres, Alyssio doit accomplir le geste qui engage sa responsabilité à l’égard de ceux qui l’entourent. Le voilà pris au piège de ses actes, impuissant à dominer les évènements et contraint à détruire chacune de ses conquêtes. Seule Médys, image de la mort qu’il porte en lui, apparaît comme l’unique possession. Jeux prétexte à transformer les fantasmes de la nuit en géants inoffensifs et dragons flamboyants maquillés pour la scène. Et tandis que les mots prononcés ont déjà perdus leur mystère, la phrase musicale continue à interroger le monde où Alyssio n’a pas pu trouver sa place.

Comme le confia Georges Delerue, tout propos engage des problèmes politiques à tout moment et en tous lieux. Conçu en 2 actes avec un entre acte normal, tout fut conçu comme un découpage de cinéma. Le musicien ne voulait pas se rendre prisonnier d’aucune technique. Au point de vue musical, l’oeuvre se rapproche plus d’un Othello de Verdi que de Pelléas. Comme la plupart des oeuvres de Georges, elle se devait d’être accessible à un large public. Rien de complexe ni d’intellectuel. Ce n’est pas son oeuvre maîtresse mais elle nécessita néanmoins un travail considérable compte tenu des éléments, du nombre de personnages et de l’orchestration.

Ce fut un véritable travail d’équipe, Georges était bien précis à ce sujet :

« J’ai considéré cette œuvre comme une nouvelle étape de ma carrière, ce qui compte, ce n’est jamais l’œuvre que l’on vient de terminer mais celle que l’on va créer. Jacques Noel auteur des décors et des costumes avec qui j’avais déjà travaillé, un homme prodigieux qui connait à merveille le théâtre, est le poète et le technicien qu’il nous fallait. Nous connaissions également Pierre Franck, le metteur en scène, qui avait la toute la confiance de Mr Noel. On ne travaille pas pendant de nombreux mois sur une chose que l’on abandonne ensuite à des personnes qui, après, en font ce qu’ils veulent. A ce quatuor, s’ajouta Garcia, chargé de dynamiser toute l’équipe, ce qui ne fut pas une mince affaire à l’opéra. »

« Un spectacle est un ensemble et nous avons eu une surprise très agréable au niveau des interprètes qui venaient tous de troupes permanentes. Nous avons été gâtés, tout s’est bien passé de même avec l’orchestre de Mulhouse, les choeurs de l’Opéra du Rhin et James Johnson qui assura la direction musicale. »

« J’ai travaillé sur ce travail plus d’un an et demi, avec douze heures par jour pour l’orchestration, les derniers temps. C’est un travail fou. Je n’aime pas le mot inspiration qui évoque une idée romantique et démodée du musicien. Si vous vous mettez au piano, en attendant que vienne cette inspiration, vous risquez d’attendre longtemps. Je crois au travail de création. On a une idée, on la note et on la travaille. L’ artiste est un artisan. Mais je crois qu’il y a des moments privilégiés où il se passe quelque chose. »

*( en 1972 directeur musical du Philharmonique de Strasbourg (1972 à 1982), puis directeur artistique de l’Opéra du Rhin.

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