La rencontre au Théâtre de Babylone en 1952 entre Georges Delerue et Boris Vian l’écrivain, poète, musicien, qui faisait les beaux soirs de Saint Germain des Prés avait donné naissance en 1953 à Caen à une pièce de théâtre au succès retentissant.
Le Chevalier de Neige : Naissance d’une Fresque Musicale
Des échos qui parvinrent en Lorraine donnèrent à Marcel Lamy, directeur du Grand Théâtre de Nancy le désir de rencontrer l’écrivain et le musicien. Rencontre bouillonnante d’où surgira le fantastique projet de transformer la pièce en opéra. Et tandis que Marcel Lamy monte un dossier de présentation pour la commission qui préside aux subventions des théâtres lyriques de province, les deux compères, conscients de l’énormité du travail, se mettent à l’ouvrage dès l’été 1955, avant même de savoir si le projet sera accepté. Il le sera et tous les protagonistes entreront alors dans une fièvre créatrice qui durera des mois.
Par les talents qu’il met en cause, par toutes les composantes artistiques qu’il entraîne, les lourdes dépenses inhérentes à ce genre de spectacle, la création d’un nouvel opéra est toujours, partout dans le monde, un événement et celui-là en fut une haute illustration.
Meilleurs chanteurs français d’opéra du moment, le talentueux Dirk Sanders pour la chorégraphie, deux cents costumes, Jésus Etcheverry à la direction musicale, Marcel Lamy qui assumait la mise en scène, tout contribuait à une superbe réalisation. Mais le plus intéressant en était le concept même.
Georges Delerue dit à ce sujet : « Il ne s’agit pas là d’un opéra classique mais plutôt d’une fresque musicale, sans ouverture, avec des scènes de six à huit minutes qui se succèdent sans interlude symphonique. »
Adaptation du cycle du « Roi Artus » dans le roman des Chevaliers de la Table Ronde, Le chevalier de neige, opéra en trois actes et vingt-quatre tableaux durait près de quatre heures et se prévalait d’un dispositif musical très novateur.
Outre l’orchestre classique et les chœurs à bouche fermée, Georges Delerue avait ajouté, audace pour un opéra, un instrument électrique à clavier appelé ondes Martenot et plusieurs fragments de musique préenregistrés.
De plus, il utilisait une escouade de techniciens chargés de diffuser selon sa conception, toute cette masse musicale dans des hauts-parleurs disséminés judicieusement partout dans la salle afin de baigner le public dans un flot sonore participant à l’action.
Les interprétes
Tenor Jacque Lucionni > Lancelot
Mezzo Jeanne Rhodes > La Fée Morganne
Soprano Andrée Esposito > La Reine Gueniève
Soprano Monique de Pondeau > Passerole
Tenor Xavier Depraz > le Roi Arthur
Le 31 Janvier 1957, la presse parisienne qui avait fait le déplacement vers Nancy ne s’y trompa pas, tout comme le public lorrain qui fit un accueil très mérité à l’œuvre.
Marcel Lamy confiera : « Nous avons travaillé un an sur cet opéra et de tout ce que j’ai pu faire dans ma carrière, c’est peut-être la collaboration la plus heureuse, la plus détendue, la plus extraordinaire car Boris Vian et Georges Delerue étaient des êtres merveilleux. »
L’œuvre devait être reprise à l’Opéra Comique de Paris en 1962 mais les répétitions furent, hélas, interrompues pour cause de guerre d’Algérie. Régulièrement, quelqu’un s’enflamme pour faire redécouvrir cet opéra. Le Chevalier de Neige renaîtra-t-il un jour ?
Prochainement > Rétrospective- « Medis et Alyssio » et « Le Chevalier de neige ».
Catalogue opéras
1954
Ariane
Opéra de chambre
Durée originelle : 53’15, mais ramenée par G.Delerue à 42′
Livret de Michel Polac
Première à la salle Pleyel, Paris
Editions Billaudot
1957
Le Chevalier de Neige
Opéra en trois actes, de 3 heures
Livret de Boris Vian
Direction : Marcel Lamy
Première mondiale au Grand Théâtre de Nancy
1961
Une Regrettable Histoire
Opéra de chambre de 25′, d’Arne Saknussen
Livret de Boris Vian
Première mondiale au Grand Auditorium de Radio France
Disponible aux Editions Mario Bois
1975
Medis et Alyssio
Conte lyrique en deux actes. 2h15
Livret de Micheline Gautron
Commande de l’Opéra de Strasbourg
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