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A R C H I V E S

une vie, un travail, une passion...

Trajectoire

Georges Delerue possédait une qualité rare : l’art de transfigurer le travail du cinéaste. Si votre scène comique n’était pas aussi amusante que prévue, Georges la rendait plus drôle. Si vous vouliez du soleil et que vous aviez la pluie, il faisait briller le soleil. Seuls Dieu et Georges Delerue peuvent accomplir ce type de miracle ! Voilà pourquoi j’ai tourné un documentaire sur Georges, comme un hommage au plus grand musicien de cinéma de tous les temps. – Ken Russell.

  

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Union des talents les plus divers, le cinéma, qui à l’instar de la musique sait franchir les barrières culturelles et géographiques, est l’un des grands vecteurs d’émotion de nos sociétés. Bien que fréquentant régulièrement les salles obscures, jamais Georges Delerue à l’aube de sa carrière n’aurait imaginé voir son nom défiler sur tous les écrans du monde, lui qui se rêvait, tel Richard Strauss, épanoui dans la composition d’amples œuvres symphoniques et la direction d’orchestre. Il a déjà derrière lui l’expérience des musiques de scène lorsqu’il aborde le cinéma par les films publicitaires et les courts métrages qui lui apprendront la rigueur des minutages d’une musique totalement liée à l’image et lui donneront accès aux longs métrages.

En 1959, Pierre Kast tourne Le Bel Age et Georges Delerue qui a déjà écrit la musique de plusieurs courts métrages pour le cinéaste le retrouve, ainsi que le compositeur Alain Goraguer, sur ce film qui sera sa toute première composition pour un long métrage. Cependant, la même année, sa participation au film Les Jeux de l’Amour sera pour lui sa véritable première musique de film. Derrière la caméra, un jeune homme auparavant assistant du réalisateur Claude Chabrol : Philippe de Broca. Leur première rencontre se fera sous le signe de la bonne humeur, Philippe de Broca ayant été séduit par l’accompagnement musical de Georges Delerue pour une publicité hilarante. On connaît la fructueuse collaboration (dix-sept films au total) et la grande complicité qui allait unir les deux hommes pendant trente ans.

Cette même année 1959, François Truffaut réalisait lui aussi son premier film Les 400 coups véritable électrochoc dans le monde très codifié du cinéma et marquait ainsi l’acte de naissance de la Nouvelle Vague. Un an après, il entrait dans la vie de Georges Delerue avec Tirez sur le pianiste. Les autres représentants de ce mouvement auront pour noms Alain Resnais, Eric Rohmer, Jacques Rivette, Jean-Luc Godard, etc. Rappelons que les nouvelles conceptions de ces jeunes cinéastes changeaient radicalement les pratiques musicales de l’époque. Les compositeurs étaient alors payés à la quantité de musique fournie et leur travail consistait la plupart du temps à « habiller » l’image, sans vraie recherche de signification.

Ce que Stravinski a pu appeler « le papier peint ». L’une des idées défendues par Georges Delerue en accord avec les jeunes réalisateurs, sera d’utiliser la musique avec parcimonie. « Au moment où les mots ne suffisent plus, où l’image, les bruits ne suffisent plus, c’est la musique qui intervient » d’où la force qu’elle acquiert, l’impact qu’elle donne aux images lorsqu’elle est posée judicieusement. Elle ne doit pas être simplement illustrative mais dynamique, psychologique, jouant sur les ruptures de tons, les apparitions fortuites ou les décalages. On pense à l’emploi totalement original du thème de Camille dans Le mépris de Jean-Luc Godard qui, par sa répétition voulue par le réalisateur, a conféré au film une profondeur dramatique et un caractère universel.

Dans la conception de la musique d’un film, si une étroite collaboration avec le réalisateur est essentielle, celle avec le monteur a également une grande importance pour une meilleure appréhension du rythme du film. Il est fréquent qu’un dialogue entre le monteur et le compositeur conduise à raccourcir ou rallonger une séquence pour l’amener à son plein épanouissement et participer ainsi à l’équilibre, à la fluidité du film ou au contraire au heurt souhaité. Si le thème de Camille marque à jamais la carrière de Georges Delerue, la musique de Jules et Jim troisième film de François Truffaut, aura également une grande résonnance doublée de conséquences imprévues.

Le réalisateur anglais Ken Russell, captivé par cette partition, proposera à Georges Delerue d’écrire celle de son film French Dressing et quelques années plus tard, celle de Women in Love. Séduit par le personnage, il réalisera pour la BBC en 1965 Don’t Shoot the Composer, documentaire fiction satirique dans lequel un Georges Delerue facétieux joue son propre rôle et se rit de lui-même en train de composer la musique du film dans lequel il figure. A la suite de la diffusion du film, Fred Zinnemann, réalisateur anglo-saxon, conquis par la créativité du musicien, lui demande la musique de son film A Man for All Seasons (Un Homme pour l’Eternité). Le film sera un grand succès couronné par l’Oscar du meilleur film en 1966 et contribuera à asseoir la notoriété du compositeur aux USA. Fred Zinnemann redemandera Georges Delerue pour deux autres films.

Les années suivantes, l’Anglais Jack Clayton lui confiera la musique de plusieurs de ses films et des réalisateurs américains feront appel à lui : John Huston A Walk with Love and Death (Promenade avec l’Amour et la Mort). Mike Nichols The Day of the Dolphin (Le Jour du Dauphin) – John Frankenheimer The Horsemen (Les Cavaliers). En 1980, il recevra l’Oscar de la meilleure musique pour A Little Romance de George Roy Hill. En France, sa carrière est à son apogée. Outre ceux de François Truffaut et Philippe de Broca, les films populaires ou d’auteur se succèdent. Quelque part, quelqu’un de Yannick Bellon, L’Important c’est d’aimer Andrzej Zulawski, La Gifle Claude Pinoteau, Police Python 357 Alain Corneau, etc.

La reconnaissance de la profession s’exprime à travers trois Césars obtenus consécutivement en 1979, 1980, 1981 pour Préparez vos Mouchoirs de Bertrand Blier – L’Amour en Fuite puis Le Dernier Métro de François Truffaut. La musique reste, malheureusement, le parent pauvre du film et, lassé par les batailles toujours renouvelées pour obtenir le nombre de musiciens et de séances d’enregistrement nécessaires, il rejoindra ses confrères français Maurice Jarre, Michel Colombier, Michel Legrand à Los Angelès en 1983 où il découvrira qu’il y est bien connu pour sa partition du Roi de cœur de Philippe de Broca, film qui avait été un désastre en France en 1966 !

Désormais, l’essentiel de sa création se fera sur des productions américaines, avec des films comme True Confessions (Sanglantes Confessions) d’Ulu Grosbar, Platoon d’Oliver Stone, Black Robe de Bruce Beresford.

Quelques projets hexagonaux susciteront néanmoins son attention, tels Chouans sa dernière collaboration avec Philippe de Broca en 1988 et Dien Bien Phù de Pierre Schoendoerffer avec le remarqué Concerto de l’adieu. Le grand retour à son Nord natal à travers Germinal de Claude Berry, ne se fera pas, hélas à la suite de la disparition du compositeur le 20 Mars 1992. Gageons qu’avec un tel sujet, Georges Delerue aurait donné de nouveau la pleine mesure de son talent.

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1992. Georges Delerue s’en allait, nous laissant un héritage exceptionnel. La reconnaissance internationale de ses musiques de films occulta plusieurs pans de son œuvre : nombreux « sons et lumières », musiques de scène, mais aussi opéras, ballets et maints ouvrages classiques.Derrière cet éclectisme apparaît le portrait d’un compositeur important du XXème siècle.

Fruit d’un travail acharné, mais portée par la grâce d’une irrépressible passion pour la musique, la personnalité artistique de Georges Delerue prit naissance au Conservatoire de Musique de Roubaix. Le soutien de certains professeurs, en particulier Alfred Desenclos, permit, devant all’évidence des capacités du jeune Georges, de l’éloigner du travail en usine pour lequel on le destinait. S’affirmant dans sa vocation de compositeur, il apprend à développer ses talents au Conservatoire National Supérieur de Musique dans le Paris d’après guerre, avec des professeurs tels que Henri Büsser et Darius Milhaud.

Discernant chez son élève, maintenant titulaire d’un Grand Prix de Rome, une aptitude certaine pour la musique de spectacle, Darius Milhaud l’enverra au Festival d’Avignon dirigé par le grand metteur en scène Jean Vilar. Cette expérience prodigieuse lui permettra de manifester son identité musicale et contribuera à lui donner une souplesse d’écriture, indispensable à toute collaboration artistique. Elle lui ouvrira les portes du monde théâtral. La toute jeune télévision alors en plein essor et en quête de talents fait appel à lui.

Du « Club d’Essai » aux dramatiques Les Princes du Sang, des téléfilms Milady aux séries Les Rois Maudits, 1973, sa contribution, sur plusieurs décades, seraradioscopie extrêmement prolifique. Quelques génériques radio sont aussi à son actif dont le virevoltant Radioscopie, émission quotidienne de Jacques Chancel, devenue culte.

D’une incursion dans le film publicitaire, il faut retenir Opéra Boeuf pour Maggi, qui lui vaudra d’être remarqué par Philippe de Broca pour lequel il signera, au long de trente années de fidélité, les partitions de dix-sept de ses films.

Les courts métrages fleurissaient alors et Georges Delerue en fit une moisson qui, peu à peu, le fit connaître des jeunes réalisateurs fougueux, à la gloire naissante, qui aspiraient à s’exprimer différemment de leurs aînés : Pierre Kast, Claude Sautet, Jean-Luc Godard mais aussi celui qui deviendra son grand complice, François Truffaut dont les films lui vaudront d’être promu à la tête des compositeurs de ce qu’on appellera « La Nouvelle Vague ».

La renommée s’exporte et c’est d’abord d’Angleterre que vient le premier appel du réalisateur Ken Russell pour French Dressing. Bientôt, les demandes arrivent d’Amérique et il associera son nom à certains des plus grands réalisateurs dont Mike Nichols, John Huston, Fred Zinnemann et plus proches de nous, quand il aura osé le grand saut en Californie, Oliver Stone et l’australien Bruce Beresford.

Et toute sa vie, répétons-le, en alternance à ses musiques de films, toujours poussé par la nécessité vitale d’écrire et pour trouver son équilibre par l’immersion dans les deux mondes, il composera des œuvres classiques.

Georges Delerue s’émerveillera toujours de l’extraordinaire destinée qui l’amena des quartiers populaires de Roubaix aux collines de Los Angeles. Il éprouvait une profonde reconnaissance pour la musique à laquelle il s’est voué sans retenue et la joie de vivre qui l’habitait, paradoxe de tant de mélodies nostalgiques, ne cessera d’ensoleiller ceux qui l’ont connu.

Etre humain généreux, Georges Delerue est là, présent tout entier dans sa musique, et dans son écoute les auditeurs y cherchent leur propre humanité.

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1925


Naissance de Georges Delerue le 12 mars, rue de Valmy à Roubaix. Fils de Georges Delerue et Marie Lhoest.


1939


Bien qu’ayant appris les notes en même temps que l’alphabet, le jeune garçon n’est pas très passionné par la musique durant ses premières années de scolarité. Il pratique la clarinette (héritage d’un de ses oncles) au Conservatoire de Musique de Roubaix rue de Soubise où sa mère l’a inscrit, mais la range volontiers au fond de son casier, préférant jouer avec ses camarades.


1940


Les échos de la guerre se font proches. Les conditions de vie sont de plus en plus difficiles. Les enfants partaient alors très jeunes au travail pour aider à subvenir aux besoins de leur famille et c’est donc à 14 ans et demi que Georges abandonne ses études de métallurgie à l’Institut Turgot pour travailler à la fabrique de limes rue Decrême, où son père est contremaître.

Issu d’un milieu où les traditions et la musique sont très vivaces, c’est avec son grand père maternel Jean-Baptiste Lhoest surnommé « L’Homme des Vents » qui anime d’une voix tonitruante une chorale d’amateurs, et sa mère qui pratique un peu le piano et aime chanter les airs connus de Faust ou de Carmen lors des réunions familiales, que Georges commence à s’intéresser à la musique.

insi, le soir, après les longues journées de labeur à la fabrique de limes, l’adolescent se réjouit de participer, à la clarinette, aux répétitions des Fanfares et Harmonies existantes dans la région. Cette ambiance très chaleureuse et entraînante motive fortement le jeune garçon à se perfectionner dans la pratique de l’instrument.

Georges propose alors à ses parents de diviser ses journées : le matin sera consacré à la fabrique de limes et l’après-midi au conservatoire, à l’étude du solfège et de la clarinette. Après plusieurs âpres discussions, ils lui donnent à regret leur accord, convaincus que « la musique ne nourrit pas son homme. »

La guerre qui fait rage en Europe et l’Allemagne envahissant la Pologne, ne présagent rien de bon pour les jeunes gens bientôt appelés au service militaire. Inquiète pour l’avenir de son fils, Marie conforte Georges dans ses études musicales, dans le but avoué de le voir rejoindre les fanfares de l’armée et passer ainsi son service dans de bonnes conditions !

Mais au conservatoire, Georges ne tarde pas à troquer sa clarinette pour un instrument qui l’attire bien davantage : le piano. Entré dans la classe de Madame Picavet-Bacquart, il interprète une « Romance sans Parole » de Félix Mendelssohn qu’il avait étudiée seul. Elle l’accepte comme élève par ces mots : « Monsieur Delerue, vous n’êtes pas pianiste mais très musicien. » Il découvre alors avec enthousiasme les œuvres de Bach, Chopin, Beethoven, Mozart, Grieg et tant d’autres, tout un monde qui l’envahit peu à peu.

Six mois après, à la suite d’un accident de bicyclette banal mais qui a une répercussion sur une scoliose déjà très prononcée, le diagnostic du médecin est sans appel : opération suivie de cinq mois allongé dans un corset de plâtre. Cette période où, aux nombreuses privations dues à la guerre vint s’ajouter cette réclusion, sera, aux dires de Georges, l’une des plus difficiles de sa vie. Et cependant elle lui fut bénéfique ! Une lente maturation se produisit en lui et, telle la chrysalide se métamorphosant en papillon, il en sortit avec la certitude définitive de sa voie : il sera compositeur de musique, tel Richard Strauss.


1941


A la demande de Madame Picavet-Bacquart, il entre dans la section Harmonie dont le professeur est par ailleurs directeur du conservatoire.

Dès les premiers jours, leurs rapports sont tendus. Les lacunes de Georges en solfège et en culture musicale ne lui sont pas pardonnées. De plus, travaillant encore le matin à la fabrique de limes, il arrive au conservatoire en bleu de travail, tenue choquante dans ce lieu bourgeois.

Le directeur donne à Georges un devoir qu’il lui sait impossible à réaliser, pour avoir lui dit-il  » le plaisir de le renvoyer. » Désemparé, Georges se présente au matin du jour dit, n’ayant rien écrit. Le directeur était mort la nuit précédente. Plus qu’une anecdote, cette disparition ouvre l’avenir du compositeur.


1943


Le nouveau directeur du Conservatoire, Alfred Desenclos, repère très vite le potentiel et les progrès de son élève et le pousse dans ce qui semble être une vocation. Appuyé par le directeur auprès de ses parents, Georges abandonne l’usine de limes et travaille d’arrache-pied pour rattraper son retard.


1945


Georges Delerue a vingt ans lorsqu’il achève ses études au Conservatoire de Roubaix.

Cette année fut très fructueuse pour le jeune musicien qui s’est vu décerner les plus hautes récompenses possibles au sein d’un établissement de province, entre autres : 1er prix de piano, 1er prix de musique de chambre, 1er prix d’harmonie, 2ème prix de clarinette.

Alfred Desenclos, soucieux de l’avenir de Georges, le pousse vivement de se présenter aux éliminatoires d’entrée du Conservatoire National Supérieur de Paris. C’est en Octobre de cette même année que celui-ci intègre les classes de Simone Plé-Caussade (fugue) et Henri Büsser (composition).


1946


Si Georges s’adapte vite au conservatoire, il n’en est pas de même concernant Paris. La vie y est plus chère qu’à Roubaix et malgré l’obtention d’un prix spécial de mille francs offert par un notable de cette ville, il lui faut s’assumer financièrement. Il jouera donc régulièrement dans les bals de Paris et de province, aux baptêmes, mariages, obsèques (il a appris l’orgue) mais aussi, attiré par le jazz, dans les piano-bars du quartier de l’Opéra.


1947


Georges tente une première fois le concours du Prix de Rome et obtient une mention honorable.


1948


Henri Büsser prend sa retraite. A sa place sera nommé Darius Milhaud, exilé depuis le début de la guerre en Amérique et qui aura une importance décisive dans l’orientation de la carrière de Georges. Le nouveau professeur ouvre l’esprit de ses élèves à un plus grand éclectisme musical. Conscient de manquer encore beaucoup de culture générale, Georges s’intéresse de plus en plus à la littérature, au théâtre, au cinéma.

Cette même année, il se présente à nouveau au concours de Rome et obtient le Deuxième Second Grand Prix.

Avec une grande perspicacité, Darius Milhaud voit en Georges Delerue un compositeur doué pour le spectacle. De santé précaire, très fatigué, il envoie cette année là Georges Delerue diriger à sa place la musique qu’il a composée pour Shéhérazade de Jules Supervielle, mise en scène par le grand et exigeant Jean Vilar pour le deuxième Festival d’Avignon, avec tous les risques que comporte le direct en plein air.

Ce qui était un test trouvera une confirmation dans la demande de Jean Vilar à Georges Delerue de composer la musique de La Mort de Danton de Georg Büchner, pour ce même festival. L’année suivante verra, dans le cadre du TNP (Théâtre National Populaire) leur collaboration sur cinq pièces dont Le Cid de Pierre Corneille.


1949


Georges tente une dernière fois le concours de Rome et obtient le Premier Second Grand Prix. Cependant, c’est de son Premier Prix de Composition obtenu la même année qu’il sera le plus fier.


1950


Début des courts métrages.


1952


Ce sera une année de travail intense pour Georges qui alternera les musiques de scène, rive gauche au Théâtre de Babylone dirigé par Jean-Marie Serreau et rive droite au Théâtre de l’Humour animé par Raymond Hermantier. Le Théâtre de Babylone, carrefour incontournable du milieu théâtral, marque un moment clé de la carrière de Georges. Il y cotoiera notamment Arthur Adamov, Samuel Beckett, Frédéric Schiller mais surtout Boris Vian dont la rencontre sera décisive pour les deux hommes. De leur collaboration fructueuse naîtront, pour le théâtre, une adaptation du Chevalier de Neige et Les Bâtisseurs d’Empire, un opéra de chambre Une Regrettable Histoire et une seconde adaptation pour l’opéra du Chevalier de Neige ainsi qu’un ballet : L’Aboyeur.

Cette même année, Georges Delerue entre au Club d’Essai de la RTF (Radio Télévision Française) pour y diriger l’orchestre de cette institution.


1953


Création des premiers plateaux télévision rue Cognacq-Jay. Première musique de Georges Delerue pour une dramatique : Les Princes du Sang. L’orchestre était en direct, caché derrière un rideau et Georges attendait le signal du régisseur pour démarrer et arrêter !


1954


Création à Caen de la pièce de théâtre Le Chevalier de Neige qui reçut un accueil enthousiaste, avec quelque cinquante mille spectateurs en six jours.

Premières musiques pour les spectacles « Sons et Lumières » avec Lisieux et La Libération de Paris.


1955


Symphonie concertante pour piano et orchestre.


1957


Création à Nancy, le 31 Janvier de l’Opéra Le Chevalier de Neige qui remporta également un très grand succès. Cet opéra devait être repris à l’Opéra-Comique de Paris en 1960 mais les répétitions commencées en Septembre 1959 sont interrompues en Avril 1960 pour cause de guerre d’Algérie.


1960


Premier film de long métrage : Le Bel Age de Pierre Kast.
Premier film avec Philippe de Broca : Les Jeux de l’Amour.
Premier film avec François Truffaut : Tirez sur le Pianiste.

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1963


Création du ballet La Leçon, argument de Eugène Ionesco, chorégraphie de Flemming Flindt. Ce ballet est aujourd’hui encore dansé un peu partout.


1964


Le réalisateur anglais Ken Russell ouvre les portes du cinéma anglo-américain à Georges Delerue en lui confiant la musique de French Dressing.


1965


Ken Russell réalise pour la BBC un film sur Georges Delerue : Don’t Shoot the Composer.


1966


Fred Zinnemann demande à Georges la musique de son film A Man for all Seasons.
Création du ballet Les Trois Mousquetaires d’après le roman d’Alexandre Dumas, chorégraphie de Flemming Flindt. Il sera repris en 1985 à Dallas (Texas).


1967

Composition pour la télévision britannique de Our World, hymne chanté dans toutes les langues pour l’inauguration officielle de la Mondovision. Les Etats-Unis lui décerneront en 1968 un Emmy Award pour cette musique.


1975


Création à Strasbourg de l’opéra Médis et Alyssio, livret de Micheline Gautron, qui reçut un accueil mitigé.


1979


César de la meilleure musique de film pour Préparez vos Mouchoirs de Bertrand Blier.
Oscar de la meilleure musique de film pour A Little Romance de George Roy Hill.


1980


César de la meilleure de film pour L‘Amour en Fuite de François Truffaut.
Premier film à Los Angeles : True Confessions de Ulu Grosbar. Georges Delerue et de son épouse quittent la france pour s’installer à Los Angeles.


1981


César de la meilleure musique de film pour Le Dernier Métro de François Truffaut.


1983


Trois Prières pour les Temps de Détresse, pour baryton solo, choeurs mixtes et ensemble instrumental. Texte en latin extrait de la bible sur la guerre, la déportation, le génocide. Vivement Dimanche dernier film de François Truffaut.
Georges écrit un concerto pour violon et orchestre.


1984


La disparition de François Truffaut le 21 octobre, laissera un grand vide dans la vie de Georges Delerue.


1990


Création du Mouvement concertant pour orchestre.


1992


Décès brutal de Georges Delerue. Il venait d’enregistrer la musique de Rich in Love, le cinquième film en collaboration avec le réalisateur Bruce Beresford, son nouveau complice et ami.

Georges Delerue repose au Forest Lawn Memorial Park de Glendale (Californie).

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Un nouveau départ – 1980 : des années décisives

En 1979, l’Amérique reconnaît le travail de Georges Delerue lors de la 52ème cérémonie des Oscars. Devant des compositeurs aussi prestigieux que Jerry Goldsmith, Henri Mancini et Lalo Schifrin, la mythique statuette d’or lui est décernée pour la musique du film de George Roy Hill A Little Romance. Grande surprise pour le musicien qui ne s’imaginait pas devancer Jerry Goldsmith avec sa splendide partition pour Star Trek – The Motion Picture. Rayonnement et honneur donc pour le compositeur français qui entretient depuis longtemps déjà des rapports avec Hollywood.

Georges Delerue travaille avec les USA mais sans quitter le sol français. Il s’est exprimé contre des polémiques.

« Le nationalisme en musique me fait horreur ; déjà au conservatoire, je n’acceptais pas qu’on me parle d’une musique « à la française ». La musique est l’un des rares langages internationaux. Qu’on ne lui enlève pas cette qualité….. Oui, j’avais dit que je préférais travailler en Europe avec les Américains plutôt que de travailler chez eux ! »

A l’origine de ses dires, son refus de prendre l’avion qui était d’ailleurs stipuler dans ses contrats mais une autre cause présidait à cette attitude.

« Certains qui vivaient déjà là-bas me disaient qu’on m’imposerait des contraintes insupportables, qu’on ne me laisserait pas choisir mes collaborateurs et me ferait subir un orchestrateur. Stravinski lui-même avait vu sa musique réorchestrée lorsqu’il était arrivé en Amérique. Et Fred Zinnemann, avec qui j’avais travaillé pour Un Homme pour l’Eternité m’avait gentiment mis en garde : Vous, Européen, vous seriez malheureux aux Etats-Unis ».

Cependant, d’autres facteurs étaient venus conforter un désir de partir aux USA.

« Lorsqu’on a travaillé longtemps dans le même milieu, un jour vient où l’on a envie d’aller voir ce qui se passe ailleurs… En France, je commençais à tourner un peu en rond ; c’était toujours le même combat pour obtenir deux violons par ci, deux clarinettes par là. Un jour, après avoir dû discuter plusieurs semaines avec une productrice pour obtenir cinq musiciens de plus, j’en ai eu assez. Après plus de trente ans dans ce métier sans dépasser les budgets, c’était dur d’en être toujours au même point. Et j’ai décidé : Le prochain contrat qu’on m’offre aux Etats-Unis, j’y vais malgré l’avion. Je ne parle pas un mot d’anglais ? Et alors ? Les interprètes existent. »

Fin 1980, la United Artists propose au compositeur d’écrire la partition de True Confessions, film produit par Robert Chartoff et Irwin Winkler et que réalise Ulu Grosbard, avec Robert de Niro et Robert Duvall. Georges Delerue partit définitivement pour Los Angelès où il fut chaleureusement accueilli par ses collègues Lalo Schifrin, Henri Mancini, Elmer Bernstein, Charles Fox et bien d’autres.

« A mon arrivée, la première surprise fut de trouver plusieurs scénarios qui m’attendaient à l’hôtel. Puis j’ai découvert que j’étais connu non seulement par les films anglo-saxons et ceux de la ‘Nouvelle Vague’ (Truffaut, Godard) auxquels j’avais collaboré mais aussi par Le Roi de Cœur de Philippe de Broca ! Ce film plein de poésie que j’aime beaucoup avait été un échec total en France (3.000 entrées) mais la mise en scène en était étudiée dans les universités américaines ! Et à travers elle, ma musique aussi. J’ai tout de suite été séduit par le professionnalisme des Américains. Contrairement à ce qu’on m’avait dit, j’y ai travaillé en toute liberté, choisi les musiciens que je désirais, j’ai orchestré moi-même et dirigé l’orchestre comme avant. Je n’avais plus l’angoisse du budget. Quand, anxieux, j’ai demandé trois séances d’enregistrement pour True Confessions, la production m’en a proposé cinq ! Et rien ne m’empêchait de continuer à travailler en France. »

Un vent léger venant de l’océan fait frémir le faîte des cyprès entourant la discrète maison blanche acquise par Georges Delerue. Sise près de Mulholland Drive si bien coloriée par le peintre David Hockney, elle domine d’un côté les studios de Burbank et de l’autre, la fameuse artère ensoleillée serpentant au pied des collines qui séparent Beverly Hills de la vallée. (Frédéric Gismello-Mesplomb « Georges Delerue : Une Vie »)

Cette nouvelle vie a priori idyllique a cependant connu des heures difficiles. A la différence de la France, dans le système américain, le compositeur est rémunéré au départ et selon sa notoriété. Ceci autorise producteurs et réalisateurs à rejeter sans état d’âme, une musique qui, pour une raison ou une autre, ne leur convient plus et à engager un autre compositeur.

Il est toujours extrêmement cuisant pour tout créateur de se voir refuser une œuvre et Georges Delerue vécut deux fois cette expérience douloureuse. En 1982 avec Something Wicked This Way Comes pourtant une de ses plus belles partitions et en 1991 sur Regarding Henry, films respectivement de Jack Clayton et Mike Nichols.

« Bienvenue au club ! Maintenant, vous êtes un vrai compositeur américain !» lui dire ses collègues dont la plupart ont été confrontés à cette pénible péripétie. Mais Georges Delerue n’était pas homme à se laisser abattre. Balayant les nuages, l’énergie créatrice revenait vite pour nous donner à entendre ces mélodies aux sonorités si reconnaissables. Certains compositeurs s’en sont inspiré, lui ont parfois rendu hommage en écrivant « à la manière de » tel Justin Chadwick pour The Other Boleyn Girl en 2008.

Musicien du monde, Georges Delerue vécut pour la musique qui fit de lui un homme heureux.

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